Le bleu d’Auvergne revoit son cahier des charges

 Article paru dans L’Auvergnat de Paris

Né du regroupement de plusieurs bleus fabriqués dans le Massif central, et plus particulièrement entre le Cantal et le Puy-de-Dôme, le bleu d’Auvergne AOP resserre ses rangs et revisite son cahier des charges. Une aire de production presque divisée par deux, l’autonomie fourragère et l’exclusion des OGM, le fromage auvergnat met l’accent sur la qualité et la naturalité pour sublimer son intensité.

Le bleu d’Auvergne fait partie des fleurons gourmands de la région. Il se place facilement sur les cartes des restaurateurs, aussi bien sur le plateau de fromages que dans les sauces qui accompagnent bien souvent les viandes et les burgers. Sa zone de production s’étend sur tout le nord du Massif central, regroupant le Puy-de-Dôme, la Haute-Loire, le Cantal, mais aussi l’Aveyron, la Lozère, le Lot, la Corrèze et même une petite partie du département de la Creuse. « Historiquement, c’est le bleu du Massif. A la création des AOP, c’est le regroupement de plusieurs bleus de cette région qui a donné la création du bleu d’Auvergne. Chaque territoire avait son propre bleu. Comme le bleu de Trizac, qui était très connu dans le Cantal, mais qui a disparu à ce moment-là », raconte Aurélien Vorger, directeur du syndicat du bleu d’Auvergne.

Fromages Bleu d'Auv Hd - Copie

Photo Pierre Soissons

Pas de fabrication fermière à l’époque. Le bleu d’Auvergne a toujours été un fromage de laiterie, « associé bien souvent à une production de cantal ou d’un autre fromage ». Les petites laiteries qui vivaient encore dans les campagnes fabriquaient leur bleu. Sur ce large territoire, n’importe quel lait pouvait potentiellement servir à sa fabrication. C’est pourquoi, depuis 20 ans, un travail d’envergure a été lancé pour resserrer le cahier des charges, restreindre cette zone de production et imposer des conditions d’élevage. Une mission qui a abouti aujourd’hui à « la réduction de près de 50% de cette aire ». De quoi éliminer les coins « où ne collecte même plus le lait », pour se focaliser sur le Cantal, le Puy-de-Dôme, la frontière de la Haute-Loire avec son voisin cantalien et quelques communes de Corrèze, du Lot et de la Lozère du côté du Malzieu. Une avancée mise en œuvre pour « se recentrer et en profiter aussi pour mettre en exergue de nouvelles conditions de production ». Derrière cette avancée, c’est un souci de qualité que pointe l’AOP.

Une réduction de l’aire de production de près de 50%

Actuellement, le bleu d’Auvergne AOP regroupe six fromageries (dont deux qui fabriquent aussi en lait cru) et quatre producteurs fermiers. « Il n’en existait qu’un seul dans les années 2000 ». Le GAEC des Croix de Chazelles, à Avèze (63), a lancé cette production fermière. La filière se développe ainsi petit à petit. « Nous sommes sur une dynamique intéressante avec plusieurs projets d’installations et des producteurs laitiers qui se mettent à transformer ». Une étape délicate puisque le fromage à pâte persillée est loin d’être le plus simple à fabriquer. « Elle exige une régularité et une qualité de produit. Faire un bleu, tout le monde peut y arriver, mais faire un bleu régulier et bon, ce n’est pas si évident ». En cause, ce fameux champignon penicillium roqueforti que l’on veut faire pousser à l’intérieur de la pâte. En résumé, « on veut faire tout l’inverse que les autres fromages. Un fromage sert normalement à conserver le lait avec le moins d’éléments contaminants alors qu’ici, on veut une moisissure qui vient pousser dans le fromage. On fait tout ce qu’on ne doit pas faire dans les autres fromages. Et on doit être sûr qu’il n’y ait qu’une seule moisissure qui se développe pour avoir un produit digne de ce nom ».

La différence avec la fourme d’Ambert AOP par exemple ? Les ferments diffèrent, tout comme les types de bactéries et les souches du champignon qui ne sont pas exactement les mêmes. « C’est ça le secret », résume Aurélien Vorger. La forme aussi change. Quand la fourme arbore cette allure cylindrique, le bleu d’Auvergne, lui, se décline dans le format classique des bleus du Massif, comme le roquefort ou le bleu des Causses. Au goût, c’est dans sa puissance et son intensité que le bleu d’Auvergne AOP va se démarquer.

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Photo Pierre Soissons

L’autonomie fourragère et la part belle aux pâturages

Pour cette nouvelle version du cahier des charges, plusieurs autres nouveautés viennent se greffer à la nouvelle aire de production. Notamment au niveau de l’alimentation qui renforce la présence des pâturages et de l’herbe avec un minimum de 150 jours pâturés par an et 70% d’herbes dans la ration. Les concentrés se voient désormais limités, les OGM, l’huile de palme, les colorants, les arômes, les acides aminés et les levures sont maintenant interdits. Dans les conditions d’élevage aussi on trouve du changement. « A partir de la publication au journal officiel de l’Union européenne, on interdit l’introduction d’animaux non issus de l’aire de production ». Une restriction qui se voit accompagnée aussi par l’autonomie fourragère. Les bêtes doivent être nourries avec du fourrage produit sur la zone.

Cette nouvelle page qui s’écrit pour l’AOP permettra « de resserrer le sentiment d’appartenance dans la filière. Il est important de recréer une dynamique autour du bleu d’Auvergne », insiste Aurélien Vorger. Car le bleu d’Auvergne souffre d’un amalgame fait autour du bleu. « Les gens achètent du bleu. S’il vient d’Auvergne, alors c’est forcément du bleu d’Auvergne. Mais ce n’est pas forcément vrai ! C’est le cas du carré d’Aurillac qui n’en est pas un. C’est presque un nom générique, et c’est bien son gros problème. C’est la particule d’Auvergne que l’on veut vendre. Et c’est un gros défi ».

Là où la fourme d’Ambert produit 5400 tonnes par an, le bleu d’Auvergne n’en fabrique « que » 5000. Et pourtant, « le bleu d’Auvergne a été une réussite monstrueuse en France mais surtout à l’étranger. Il fait partie des fromages les plus exportés. Encore aujourd’hui, cela représente 30% des volumes ». Mis en concurrence par l’apparition de produits marketés comme le Saint-Agur, il a subi aussi les effets de la crise économique. Mais le fromage auvergnat reste l’un des plus connus de tous, en France comme dans le monde. En resserrant ses exigences de fabrication, le bleu d’Auvergne AOP compte bien reprendre sa place de référence en matière de pâte persillée au goût intense, née au cœur des volcans.

plateau-bleu-auvergne(c)PierreSoissons

Photo Pierre Soissons

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